Depuis quelques jours, je le guette. Je pense à lui debout, assise, couchée. Il hante mes pensées, envahit mes nuits, me poursuit le jour. Course poursuite, certes, mais de nous deux, je suis bien celle qui lui court après. Je ne veux point le perdre de vue où le rater, je ne conçois pas qu’il puisse quitter mes pensées, tellement le recevoir, passer du temps avec lui, est un privilège dont mon cœur ne peut se passer. Telle une droguée, j’attends nerveusement ma dose ; pour lui, je suis prête à tout, incapable que je suis de m’en passer. Lui, je l’ai sous la peau… Il m’a hypnotisée, possédée, enchaînée de manière à ce que je ne puisse me libérer. Je ne veux même pas être libérée de ces chaînes qui me soumettent à la servitude. Cette douce ivresse, violente passion a fini d’achever ce moi, qui devant lui, que dis-je ; à sa simple évocation, devient néant.
Jeudi soir. Un de mes moments préférés de la semaine. Cette soirée aux secrets sans fin, tellement prisée des amoureux. Prière d’isha[1]terminée, je vais chercher un verre d’eau fraîche dans la cuisine. Mon esprit se plait souvent à voyager, le jeudi étant la veille du vendredi, et le vendredi ! Mon jour préféré de la semaine, jour de ferveur, d’authenticité, de nonchalance… Mon voyage temporel imaginaire s’arrête subitement, mon cœur n’ayant fait qu’un saut dans ma poitrine, mon oreille finissant à peine de transmettre à mon cerveau la douce mélodie, l’harmonieuse, la merveilleuse, l’amoureuse, la tendre :
« Tahni atû Rabbî î, Bi madhatî chafîhî, Bi mantaqil badî î, Abhi bihâ mu’amali »
Par la nostalgie du mois de Rabbih[2], par l’exaltation de l’Intercesseur, par le biais de la parole éloquente, j’y fonde l’exaucement de mes souhaits
Un sourire à me fendre les joues se dessine sur mon visage. Pourtant, l’espace d’un instant, j’avais voulu écrire un article « coup de gueule » pour adresser la polémique enflant suite aux faits divers récents. Loin de moi l’idée d’intégrer un quelconque débat ; je pensais juste à rajouter mon grain de sel dans la sauce… jusqu’à ce que je me rappelle de la portée de cette nuit, et des 11 autres qui la suivraient. Non, je ne pouvais pas passer cette soirée à réfléchir à une manière de structurer mon « grain de sel » dans la polémique qui était devenue nationale. Comment aller dans ce sens lorsque le mois qui a vu naître l’élu de mon cœur tapait à ma porte ? Il semblait nous rappeler à la raison, à l’essentiel, à l’essence même de notre existence. Ce choix, trop facile d’ailleurs, me fit rire de joie.
Justement, depuis la dernière fois que j’eus le privilège d’assister à l’assemblée des vertueux, une voix me hante. Hanter n’est peut-être pas le meilleur mot pour décrire ce sentiment. Cette hantise n’était pas négative ; au contraire, mon cœur la désirait si ardemment qu’au bout de quelques minutes, j’entrepris, sans grande conviction, de la capturer en enregistrant une bande sonore sur mon téléphone. Je redoutai que ce moment de délectation ne prenne fin, qu’un fait inattendu vienne le troubler, tellement cette voix emportait mon âme dans une transe paisible, tellement elle semblait la faire planer au-dessus de mon corps, défiant de la plus rebelle des manières les lois de la gravité.
« Ahlan bi chahri Mawlîdi, Zakarana bil mahtadî, Ahlil ussûli seydî, Habibinal mubajjalî »
Bienvenue au mois de la naissance, qui nous rappelle l’Origine, Source des sources, le seigneur, notre bien-aimé, le grand.
Y’a-t-il plus grand moment de réjouissance que ce mois ? Les amoureux l’attendent avec ferveur, l’accueillent avec bonheur, et le savourent avec délectation. Il est, de la lumière tirée de La Lumière, rempli à ras bord. Il rappelle l’immensité infinie de la miséricorde, que représente celui dont la naissance y eut lieu. Que les prières sur lui, comme nous l’a prescrit le Très-Haut, soient en ce mois redoublées ! Que le Très Miséricordieux, Tout Miséricordieux, nous permette de pénétrer le sens profond des différentes formulations de ces prières ; qu’Il nous assiste en nous donnant la force et la clairvoyance nécessaire pour dignement psalmodier, scander, crier les somptueux vers que ses élus ont dédié à la meilleure des créatures ; qu’Il nous accorde le privilège de ne cultiver dans nos cœurs, que notre amour pour Lui et pour la meilleure des créatures, perle de la création. Amiine.
Je ne saurais clore ce court billet, ôde personnel à l’amour, manifeste de l’amoureuse que je suis, bien que point méritante de ce titre, sans citer un de mes qasidapréféré. Il s’agit d’un poème de l’illustre érudit de Gaaya et de Tivaouane, Wassilatul Muna, plus connu sous le nom de Tayssîr, dont la supplication suivante est tirée :
« Salli alaal badri maa ammal hajiiju ilaa, Ziyaarati rawdi ya Rahmaanu Yallahu »
Accorde tes bénédictions à la pleine Lune (Muhammad), autant de fois que les pèlerins auront rendu de pieuses visites à l’enceinte sacrée où il repose ; ô Toi, le Clément, Ya Allah. Amine.
Je m’en tiens là, encore émerveillée par la beauté, la sincérité, et la profondeur de ces mots.
En vous adressant mes zyars les plus affectueux.
Gnagna
[1]Dernière prière de la journée
[2]Rabbi al awwal, quatrième mois de l’année lunaire musulmane
Tu as vraiment une belle plume. Qu’Allah accepte nos prières et augmente notre amour pour Notre Prophète Mouhammad (PSL) et qu’il demeure notre exemple in cha Allah.
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